Le goûter du lion, Ito Ogawa

La narratrice de ce roman qui traite d’un sujet grave, la fin de vie, est une jeune femme très malade, qui sait que ses derniers jours sont comptés. Elle choisit de finir ce qui lui reste à vivre dans une maison située dans un lieu assez extraordinaire, l’île aux citrons, dans la mer intérieure du Japon.

 

Il faut donc gagner ce lieu retiré en bateau, sorte de mise à distance par rapport à sa famille. Elle n’a prévenu qu’une amie du lieu exact de sa retraite et dit au revoir à ses amis et connaissances. Sa famille ne connait pas sa décision : « Mon père ignorait que j’avais quitté mon appartement et que j’allais passer les derniers jours qu’il me restait à vivre à la Maison de Lion. La nouvelle l’aurait bouleversé. Et je n’avais aucune envie de perturber le cours paisible de sa vie. De toute façon, cela n’aurait rien changé à la situation. » (pages 10-11)

Nous faisons la connaissance des pensionnaires par définition éphémères de la Maison du Lion, havre de paix tenu par une femme entièrement dévouée appelée Madonna. La seule règle est d’être libre. Le dimanche est marqué par un goûter choisi avec soin parmi les souhaits des camarades de Shi-chan, et les pâtisseries sont tellement exquises que « un feu d’artifice de bonheur éclatait en moi à chaque bouchée. »(page 69). La suavité de la nourriture est un cadeau apprécié par tous les participants : au-delà de la bonté du mets, c’est une exaltation des souvenirs. Qu’en dirait Proust?

A la lecture de ce roman, on se prend à espérer que notre narratrice va survivre! Mais ce n’est pas le propos de l’auteur que de faire miroiter un sursaut de vitalité.

Les jours passent, avec des promenades avec le chien qui l’a adoptée pour son plus grand bonheur, des rencontres avec un homme dont elle aurait pu tomber amoureuse… Ce qui compte, c’est qu’elle vit à la fois intensément et dans la douceur ces jours fragiles qui la conduisent inéluctablement à la mort. Pas de pathos, mais une émotion pudique et poétique, toute retenue, qui nous fait réfléchir -et c’est bien un sujet d’actualité- à notre fin de vie.

« J’étais heureuse d’être en vie.

Ivre de joie d’avoir pu vivre un jour de plus.

Il m’était impossible de retrouver le corps qui était le mien lorsque j’étais en bonne santé. Mais j’avais pu retrouver l’esprit qui l’habitait encore. Et j’en étais très fière.

Il soufflait en moi un vent de gratitude, comme une bourrasque de printemps. » (page 212)

Je ne nie pas mon émotion à la lecture de certains passages, mais je fus sensible à la délicatesse du roman comme dans Le Restaurant de l’Amour retrouvé.

Le goûter du lion, Ito Ogawa, traduit du japonais par Déborah Pierre-Watanabe, 2022, éditions Picquier, 259 pages

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